La gestion de crise en entreprise (suite)

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  • gestion de crise
Auteurs :
  • Soline de MIRIBEL

Ce MON fait suite au MON 1.2 et aborde plus en détail la question du management, de la communication et de l'agilité.

Niveau : débutant Prérequis : MON 1.1 : Gestion de crise en entreprise

Sommaire

  1. Le management en temps de crise
  2. La communication en temps de crise
  3. Une gestion agile d'une crise

Le management en temps de crise

L’objectif du manager en temps de crise est de transformer la crise en opportunité de changement. Manager la crise revient à remettre en question les processus établis, changer certaines pratiques de l’équipe, revoir certaines croyances, se réinventer tout en mobilisant les ressources de l'équipe, et en gérant des situations de stress. Le manager devra rapidement fixer de nouveaux objectifs à son équipe, donner de nouveaux repères, au moins sur le court terme. Pour réussir à rassembler tout le monde autour du nouveau projet, les managers doivent faire appel à de nouvelles compétences, pouvoir compter sur la réactivité de leurs équipes, et fédérer autour d’un management de changement. À plus long terme, post-crise, il s’agira de tirer les enseignements pour améliorer les process dans l’entreprise. Pour que tous les managers sachent adapter leur management à une situation de crise, il est primordial qu’ils y soient formés en amont.

9 principes du management de crise

1. Se recentrer sur les valeurs de l’entreprise

La plupart des entreprises reposent sur un certain nombre de valeurs : l’intégrité, l’innovation, le respect, la qualité, la nature, le partage… Ce sont sur ces principes moraux, sociaux ou environnementaux sur lesquels les organisations basent une grande partie de leur communication, ainsi que la majorité de leurs décisions stratégiques. Or la communication et les décisions lors d’une crise sont les 2 facteurs principaux qui détermineront le succès dans la gestion de la situation. L’entreprise doit donc plus que jamais se recentrer sur ses valeurs, alors que tous ses repères volent parfois en éclats. Ces valeurs peuvent devenir une bouée de sauvetage à laquelle peut alors se cramponner l’équipe afin de garder le cap, malgré l’adversité.

2. Faire preuve de transparence

L’inconnu peut susciter bien des inquiétudes. Le contexte de l’entreprise ne fait évidemment pas exception à la règle. Face aux nombreux changements que peuvent engendrer une crise, les collaborateurs vont naturellement craindre pour leur charge de travail, pour leur équilibre de vie, pour l’image de leur entreprise ou tout simplement pour leur emploi. Même s’il est utopique de vouloir mettre fin à toutes les angoisses, jouer la carte de la transparence peut grandement aider une équipe à ne pas céder inutilement à la panique, à cause d’un manque d’informations sur la situation. On attend d’un manager d’être clair, précis et concret, sans toutefois livrer brutalement des données de nature à renforcer un climat anxiogène déjà présent.

3. Être présent sur le terrain

Lorsque le navire est pris au beau milieu de la tempête, le premier réflexe du capitaine n’est pas de se cacher dans sa cabine en espérant l’arrivée d’une accalmie miraculeuse. Toujours sur le pont, il est au contraire le premier à donner le rythme de la manœuvre afin d’inciter ses troupes à redoubler d’efforts ! Cette règle essentielle, le manager doit veiller à l’appliquer pour montrer à ses collaborateurs qu’il s’implique concrètement à leurs côtés, même dans les moments les plus difficiles.

4. Être à l’écoute de son équipe

Le leader doit absolument prendre le pouls de son équipe en réalisant des réunions et des entretiens individuels. Il doit aussi être à l’écoute de ses salariés, les aider à verbaliser leurs craintes et répondre avec empathie et honnêteté à leurs interrogations. Attention, prendre soin ne signifie en aucun cas materner ! En situation d’urgence, les managers peuvent en effet avoir tendance à vouloir prendre en charge des tâches qui incombent habituellement à leurs collaborateurs, renvoyant à ces derniers un signal désastreux. Au contraire, en temps de crise, le manager doit continuer à déléguer (tout en assurant un contrôle nécessaire), comme il le faisait auparavant afin de montrer à ses collaborateurs qu’il a parfaitement confiance en leurs compétences ! Les meilleurs managers de crise sont ceux qui se placent au service de leur équipe. Ils partagent les préoccupations de leurs collaborateurs contribuant ainsi à donner du sens aux efforts demandés.

5. Conserver le même niveau d’exigence

S’il est évidemment indispensable de prendre soin de son équipe, comme nous l’avons vu précédemment, la baisse du niveau d’exigence peut amener l’entreprise à réduire la qualité de ses prestations ou de ses produits, et ainsi affaiblir une position qu’elle a peut-être déjà des difficultés à maintenir en temps normal. La clé est donc de conserver un niveau d’exigence équivalent, si n’est supérieur, tout en se recentrant sur ses fondamentaux et sa clientèle. L’objectif étant finalement de faire mieux avec moins !

6. Entretenir une attitude positive

Même s’il est difficile de garder le moral au beau fixe en temps incertains, il est pourtant important que le manger s'efforce de garder un état d’esprit positif afin de préserver son équipe, autant que faire se peut, des événements sur lesquels elle n’a aucune prise. Son discours doit être rassurant, et s'inscrire dans une vision à long terme pour permettre aux salariés de se projeter sur une résolution de la situation.

7. Gérer ses émotions

Naturellement, quand une crise survient, ce sont les émotions qui parlent en premier. Il ne faut cependant pas en être prisonnier pour rester en mesure de prendre en compte des éléments objectifs et prendre de la hauteur sur la situation. Pour s’aider à prendre du recul grâce à des conseils et des retours d’expérience, le manager peut par exemple faire appel à des personnes extérieures ayant ou non connu la même situation. Il veillera aussi à son équilibre de vie en s’accordant notamment des moments de détente.

8. Assumer ses responsabilités

Les collaborateurs, les actionnaires, les créanciers et les clients doivent sentir que la direction est capable de faire face à la crise. Si des erreurs ont été commises, elles doivent être assumées par le management de l’entreprise. La priorité doit être totalement tendue vers la résolution de la crise plutôt que vers la recherche de responsabilités. Il sera toujours temps d’identifier les responsabilités des uns et des autres dans le déclenchement de la crise une fois celle-ci résolue.

9. Gérer la crise dès son commencement

Lorsqu’une crise s’annonce, plutôt que de faire semblant de ne pas la voir en espérant qu’elle n’impacte pas l’entreprise, le manager doit à l’inverse faire preuve de prévoyance et de perspicacité pour éviter que la sidération ne l’importe sur une prise de décision rapide et judicieuse.

Le manager de crise ou de transition

Un dirigeant de haut niveau a peu de temps pour réagir lors d’une crise et sa vision du problème et de la solution à mettre en œuvre n’est souvent que parcellaire. Face à la complexité de gérer une crise, les entreprises peuvent donc faire appel à un professionnel externe, un manager de transition ou un manager de crise. Il existe même certains cabinets de management de transition spécialisés dans le management des risques et la gestion de crise. Ces professionnels hautement qualifiés permettent d’apporter un regard extérieur et leur expérience dans la gestion de situations de crise. Un manager de transition a la culture du résultat. Il développe une vision globale de la situation, en réalisant un diagnostic dès le démarrage de sa mission, en proposant ensuite un plan d’actions ou de redressement et en préparant l’après-crise. Il travaille en collaboration étroite avec l’entreprise car leur implication est fondamentale pour tenir les objectifs. Le manager de transition intervient comme un urgentiste. Son expertise opérationnelle est un atout précieux pour l’entreprise. Il est formé à conduire différentes situations comme par exemple :

La conduite de la restructuration

Face à une crise, l’entreprise peut être amenée à se restructurer, c'est-à-dire réaménager un ou plusieurs des ses éléments constitutifs pour s’adapter à la situation critique. Il peut s’agir d’une réorganisation du travail, d’une réorientation stratégique, de la délocalisation d’une activité, de l’externalisation d’une fonction auprès d’un prestataire de services, de l’ouverture d’une procédure de redressement. La neutralité du manager de transition y est un atout : il se positionne en dehors des enjeux de pouvoir ou de politique interne, exerce un parler vrai qui est particulièrement bénéfique à l’entreprise dans une situation aussi délicate.

La conduite du retournement

Le retournement d'entreprise fait référence à un ensemble de pratiques visant à inverser une tendance récessive, une situation mal engagée dans une perspective de redynamisation de l’activité et de sauvegarde de l’emploi. Un plan de retournement peut inclure une restructuration, une réorganisation, une rationalisation des coûts et la recherche de nouvelles ressources financières (actionnaires de l’entreprise, capital retournement…). Accompagner un retournement lorsque l’on est manager de transition signifie, pour l’entreprise, une réorganisation profonde pour retrouver de l’efficacité et renouer avec la profitabilité dans un contexte de paix sociale.

La gestion de la croissance

La croissance peut prendre des formes critiques notamment dans le cas d’une demande brutalement forte face à laquelle l’entreprise est dépassée et risque une désorganisation importante. Son œil externe et neuf, sa posture neutre et ses compétences en la matière vont permettre au manager de transition de rendre cette croissance profitable à l’entreprise.

La gestion de la décroissance

Une période de décroissance soudaine doit pouvoir être une opportunité d’une transformation profonde de l’entreprise et devenir un facteur de progrès. Une fois le nœud du problème identifié, le manager de transition met en exergue des points d’amélioration à plusieurs niveaux.

La gestion de l’urgence managériale

Le départ ou l'absence imprévue de l’occupant d’un poste stratégique peut provoquer un déséquilibre dans l’entreprise. Le manager de transition vient alors occuper le poste vacant. Après un rapide constat de la situation, il gère la transition avec le nouveau cadre. Pour assurer la continuité de l’activité, il privilégie les ressources humaines et l’organisation. Il s’adapte rapidement à ses nouvelles missions et limite l’impact de ce remplacement d’urgence.

La communication en temps de crise

La communication est essentielle dans une crise. Elle permet notamment de consolider ou restaurer un lien de confiance. Qu’il s’agisse de la communication interne avec les services ou externes avec les parties prenantes, l’information doit être claire, simple et transparente.

La communication interne

L’information en temps de crise doit plus que jamais circuler efficacement entre les strates hiérarchiques. En effet, pour gérer une crise, la direction a besoin de disposer de l’information la plus exhaustive et la plus précise possible. Les collaborateurs ont eux besoin de comprendre la situation pour accepter les décisions et les exécuter. Il est donc nécessaire de lutter contre la rétention d’informations pour assurer une gestion de crise efficace s’appuyant sur la rapidité de la réponse. Une communication efficace repose sur :

Les moyens de communication sont aussi à anticiper, pour cela un plan de communication de crise est à inclure dans le plan de gestion de crise. Ce plan de communication préétabli permet la détection de signaux faibles pouvant alerter sur l'apparition d'une crise. Il définit également les différentes parties prenantes identifiées et la manière dont les informations doivent être traitées et diffusées.

La communication externe

La communication externe de crise constitue l'ensemble des actions de communication de l’entreprise pour lutter contre les effets d'un événement pouvant avoir des conséquences néfastes sur l'image de l'organisation concernée ou de ses produits (licenciement, accident, pollution, rappel de produits). La crise empêche l'entreprise de maintenir ses objectifs initiaux. Elle effraie et risque de jouer un rôle sur la fidélisation de sa clientèle et donc sur son chiffre d'affaires. À l'heure des nouvelles technologies, l'information circule très rapidement et il est important de réagir vite en cas de crise. Ce phénomène est amplifié par la surmédiatisation des affaires et autres crises qui touchent aujourd'hui les entreprises. Une communication anticipée permet :

Le public va principalement retenir les émotions qu'il a ressenties lors d'une crise. Communiquer efficacement permet donc de rester visible, de se montrer réactif et de faire preuve de la bonne santé et de la bonne foi de l'entreprise dans ces moments difficiles. Site internet, blog, réseaux sociaux, communiqué de presse ou newsletter : les canaux de communication sont nombreux. Pour les départager, il faut prendre en compte les avantages et les inconvénients de chacun, mais aussi suivre les habitudes de communication de l’entreprise afin que l’audience habituelle reçoive le message. Selon si l’entreprise souhaite répondre individuellement aux clients ou au contraire limiter l’échange, elle choisira les réseaux sociaux ou un communiqué de presse. En toute transparence stratégique, les messages à faire passer doivent comprendre :

Il est également capital de clore la crise de manière concrète. Pour cela, par exemple, l’entreprise peut communiquer en remerciant les personnes qui lui ont montré leur soutien, les collaborateurs qui l’ont aidé à traverser cette crise.

Une gestion agile d’une crise

Rappel sur la définition d’agilité

Une entreprise agile n’est pas figée dans ses processus. Elle est capable de s’adapter rapidement aux changements imprévus (de façon réactive) et aux nouvelles tendances (de façon proactive) qui se dessinent dans son secteur tout en conservant une continuité stratégique, opérationnelle et humaine. Une entreprise agile repose sur ces 4 principes

Ces piliers restent valables lorsque l’entreprise traverse une crise et se traduisent par les méthodes suivantes.

Le développement itératif

Une situation compliquée est une situation composée d’une multitude de paramètres, mais chacun de ces paramètres est visible, prévisible et l’on connaît l’ensemble des interactions qui se mettent en œuvre. Une situation complexe est une situation composée elle aussi d’une multitude de paramètres, mais dont il est impossible de prévoir l’ensemble des interactions, ainsi que leurs conséquences et les conséquences de leurs conséquences. Un système complexe est impossible à modéliser. Il recèle une part importante d’aléatoire et d’incertitude qu’il convient de prendre en compte. Une situation de crise est typiquement un événement complexe, dans lequel le facteur humain passe avant l’application mécanique des procédures. Pour faire face à une situation complexe, les méthodes agiles proposent le développement itératif. Grâce à celui-ci, les projets plus longs et plus complexes sont décomposés en tâches plus courtes et plus simples et les activités de test continu sont effectuées dans des cycles répétitifs. Grâce à cette bonne pratique, les équipes agiles sont en mesure d’avoir des points de vue plus larges sur ce qui est en cours de développement et qui deviendra bientôt le produit final. Les changements ou les interruptions sont alors beaucoup plus faciles à traiter : la division du projet en petits compartiments vous permet d’intervenir de manière plus rapide et plus structurée sans avoir à remettre en question l’ensemble du projet.

La hiérarchie de compétence

Dans un fonctionnement agile, le facteur humain passe avant l’application mécanique des procédures. La formation aux facteurs humains doit développer chez les responsables de gestion de crise l’acceptation d’une part grandissante d’incertitude, d’aléatoire, et d’une zone de gris dans laquelle le facteur humain sera le premier outil pour appréhender l’impensable. Ils sont ainsi formés aux biais cognitifs, perceptifs et décisionnels. La hiérarchie adoptée est avant tout une hiérarchie de compétence : les prises de décision sont assumées par ceux qui détiennent la compétence pour le faire, sans pour autant nier l’existence d’une hiérarchie formelle. En cellule de crise, c’est la compétence spécifique à une situation donnée qui doit désigner les membres de la cellule de crise, et pas seulement leur fonction dans l’entreprise ou leur titre hiérarchique. Ces cellules ne peuvent être agiles que si tous ses membres sont constamment mis à jour et informés des activités, des retards et des résultats de leurs collègues. Pour cela se tiennent des réunions quotidiennes. Ce sont des réunions courtes et concises dans lesquelles chaque membre informe les autres des prochaines activités à réaliser. Ce type d’activité permet de surveiller les performances du groupe pour que les membres de la cellule soient toujours alignés sur les priorités de leurs collègues et sur la direction générale de l’équipe.

La mise en situation réelle et le débriefing

Les méthodes agiles étant fondées sur le facteur humain, il est important que les collaborateurs soient entraînés à la gestion de crise par des simulations surprises dans lesquelles les protagonistes sont pleinement impliqués. L’objectif est de :

ex : la technique de la “ligne de temps” consiste à reporter sur une ligne principale l’ensemble des données de la gestion de crise (informations, alerte, activation de la cellule de crise, décisions, etc.) puis à reporter sur des lignes secondaires chaque thématique (information, décision, action, communication, etc.). Cette méthode simple démontre les erreurs de coordination ou de synchronisation commises, mais elle nécessite une main-courante parfaitement tenue et le recueil de l’ensemble des données de conduite de la part des parties prenantes.

L’acceptation du droit à l’erreur est un facteur clé pour augmenter la capacité d’apprentissage lors des débriefings. La valorisation de l’erreur motive l’implication de tous et participe à l’amélioration des comportements. Le concept de non sanction des erreurs non intentionnelles est un dispositif destiné à collecter les erreurs commises et qui garantit l’anonymat et l’impunité de ceux qui les ont commises.

Sources