La gestion de crise en entreprise

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Auteurs :
  • Soline de MIRIBEL

Ce MON décrit ce que les cabinets de conseil en gestion de crise proposent aux entreprises pour faire face à une situation critique. Il s'agit d'une gestion théorique de l'événement.

Niveau : débutant Prérequis : Aucun

Introduction

Selon une étude du Cabinet Deloitte, plus de 60% des entreprises sont confrontées à davantage de crises aujourd’hui qu’il y a 10 ans. L’exemple le plus éloquent est sans nul doute la crise sanitaire. Nombreuses sont les entreprises qui ont dû mettre en place le télétravail pendant l’épidémie tout en faisant face à la digitalisation croissante des métiers et à la baisse de l’engagement des collaborateurs qui questionnent leur rapport au travail. Lorsqu’elle est mal gérée, une crise peut avoir des conséquences plus ou moins importantes sur le bien-être, l’engagement, la performance, le chiffre d’affaires et l’image de marque. Si l’on ne peut échapper à certaines crises, on peut en revanche s’y adapter et même en faire une opportunité de développement.

Qu’est-ce qu’une crise ? Peut-on l’anticiper ? Comment la gérer efficacement ?

Sommaire

  1. Une crise
  2. Le plan de prévention des risques
  3. Le plan de gestion de crise
  4. La gestion de crise

1. Une crise

1.1. Etymologie, définition et caractéristiques

Du fait de ses évolutions progressives de sens, le terme “crise” est complexe à définir. “Crise” vient du grec “krisis” qui a d’abord le sens de décision ou de faculté de choisir car dans la tragédie grecque, la crise est le moment de vérité où le passé est révélé. Dans la médecine hippocratique, le terme de “krisis” désignait aussi un accident d’ordre médical, brusque et inattendu. Le sens étymologique de “crise” est donc une décision, un moment décisif d'un processus incertain. Aujourd’hui, le mot crise désigne un événement brutal, précis et limité dans le temps. Il est synonyme de choc ou de rupture. A l’inverse de son sens étymologique, "crise” signifie indécision : c'est le moment où, en même temps qu'une perturbation, surgissent les incertitudes. Le terme “crise” est parfois utilisé pour décrire des périodes de remise en question, de mal être ou de dégradation progressive d’une situation, ces évolutions longues qui révèlent des faiblesses structurelles, inhérentes à un système, ne répondent cependant pas exactement à la définition de crise, il s’agit d’un abus de langage. Une crise se caractérise par la soudaineté et la brutalité avec laquelle la situation d’équilibre est rompue.

1.2.Les différents types de crises

Les crises peuvent avoir différentes origines. On différencie :

Les entreprises sont à elles seules des systèmes complexes évoluant et interagissant avec un environnement en perpétuelle évolution. L’adaptation et l’ajustement sont donc indispensables à la survie des organisations. Ces mécanismes sont cependant exigeants et demandeurs de temps. Un changement soudain entraîne donc facilement un point de rupture d’équilibre c’est-à-dire une crise. On pourrait citer :

1.3 Exemples de crises

1.3.1 12h de panne sur le réseau d’Orange en juillet 2012

Le jour des résultats du baccalauréat et un jour de départ en vacances, 26 millions de Français se retrouvent sans possibilité de communication à cause d’une panne logiciel. Celle-ci est réparée en urgence depuis le centre de crise mis en place en urgence par l'entreprise. Il s'agit là d’une crise interne et technologique qui a mis en jeu l’image de qualité et fiabilité de la marque.

1.3.2. Starbuck accusé de racisme aux Etats-Unis

Parce qu’ils n’avaient rien commandé comme tant d’autres clients mais qui sont, eux de couleur blanche, deux hommes de couleur noire sont interpellés par la police, elle-même appelée par des employés de la succursale. Un tweet montrant l'arrestation des deux hommes fait le tour du web en quelques secondes : 170 000 retweets et plus de 230 000 commentaires. Les internautes s’insurgent contre ce traitement. Starbucks réagit en lançant une grande campagne antiraciste. Au lieu de blâmer les employés du magasin, ils y ont vu un problème systémique interne. L’entreprise a fermé tous ses magasins pendant une journée et a organisé à la place une session de formation contre les préjugés racistes. Cette décision, qui a coûté plus de 10 millions de dollars à l’entreprise, a fait la une des journaux internationaux et a présenté Starbucks sous un meilleur jour. Il s’agit d’une crise interne du personnel.

1.4 Ce qui est mis en jeu dans une crise

Lorsqu’une crise se produit, il y des conséquences directes à cause de l’incident déclencheur mais il peut aussi y avoir des répercussions sur l’ensemble de l’activité selon la gestion de la crise. Ainsi gérer une crise demande non seulement de trouver une solution au problème initial tout en assurant la continuité de l’activité mais aussi de limiter les conséquences négatives tout en essayant de tirer le meilleur parti de l’incident. La communication a par exemple un rôle déterminant dans la gestion de crise. Une crise exige une réponse rapide et adaptée. Pour cette raison, il est essentiel d’anticiper les crises. Cette anticipation comprend le plan de prévention des risques, celui de la gestion de la crise en tant que tel et un plan de communication.

2. Le plan de prévention des risques

Du fait de son environnement et de son activité, une entreprise est soumise à des risques. Ce sont les éventualités d'un événement qui peut causer un dommage. Si la menace se concrétise, elle peut alors engendrer une crise dans l’entreprise. Le meilleur moyen de se prévenir d’une crise est encore de l’éviter. Le risk manager est donc chargé de rédiger et de tenir à jour le plan de prévention des risques pour anticiper ces situations et y proposer des solutions préventives adaptées. Pour cela il suit 4 grandes étapes.

2.1 Identification des risques

Dans un premier temps, la cartographie des risques permet de les nommer, les identifier et les caractériser. Leurs hypothétiques origines, conséquences directes et indirectes ainsi que leur probabilité sont prises en compte.

2.2 Hiérarchisation des risques

Les risques sont ensuite classés selon leur gravité. Celle-ci dépend des objectifs de l’entreprise.

2.3 Détails des scénarios potentiels

A chaque risque identifié, le risk manager associe un scénario déroulant l'enchaînement de causes à effet aboutissant à la matérialisation du risque et à une situation de crise. Le scénario se poursuit ensuite sur l’impact de la situation sur l’entreprise.

2.4 Emission de recommandations

Afin de limiter les risques identifiés, le risk manager émet des recommandations visant à agir en amont de la crise pour en diminuer l’éventualité.

Si la crise se produit tout de même, il faut alors suivre le plan de gestion de crise rédigé au préalable.

3. Le plan de gestion de crise

Prendre des décisions dans l’urgence, est le meilleur moyen de commettre des erreurs. C’est pourquoi le maître mot en gestion de crise est l’anticipation pour éviter de prendre des mesures dont on serait incapable de mesurer les effets. Un plan de gestion de crise prépare une organisation à l’imprévisible, définit les rôles de chacun, liste les actions concrètes à effectuer et les attitudes à adopter, tout en minimisant les dommages pour l’organisation, ses employés et ses clients. Il existe autant de plans de gestion de crise que de risques qui ont été identifiés.

3.1 L’équipe de gestion de crise

Le plan de gestion de crise définit avant tout le rôle et les responsabilités de chacun en cas de situation critique. Il propose généralement la constitution d’une cellule de crise qui sera composée de membres clés de l'entreprise. Les équipes de gestion de crise sont souvent composées de personnes chargées des opérations, des finances, des ressources humaines, ainsi que d'experts juridiques, chacun se spécialisant dans l’une des composantes du plan de gestion de crise :

Cette équipe participe généralement à la rédaction du plan de gestion de crise en amont. En cas de crise, elle devra prendre des décisions rapides, coordonner les actions nécessaires et adapter le plan de gestion de crise. Il est donc essentiel que toutes les parties prenantes de l’équipe de gestion de crise disposent d’une image globale et commune de la situation. Les membres de la cellule de crise doivent aussi être préalablement formés au management de crise pour appréhender leur rôle en cas de mise en œuvre du plan de gestion de crise.

3.2 Contenu du plan de gestion de crise

La matérialisation d’un risque n’est jamais totalement évitable. Pour chaque risque, il convient donc d’établir la série d’actions concrètes qu’il faudra réaliser pour résoudre l’incident ou, tout du moins, en limiter les effets. Ces procédures sont regroupées dans le plan de gestion de crise. Ce plan contient aussi une liste ordonnée des personnes à contacter avec leur fonction et leurs coordonnées en cas de crise pour lancer la chaîne d’alerte. Dans les mesures à prendre, le plan prend en compte 5 ressources essentielles de l’entreprise :

3.3.Test et actualisation du plan de crise

Pour qu’un plan de crise soit réellement efficace, il convient de le tester en fonction de scénarios spécifiques. Un test grandeur nature permet de sensibiliser les acteurs, de pointer les dysfonctionnements dans la réponse apportée et de mettre à jour les procédures. L’équipe de gestion des crises de s’assurera notamment de la bonne communication, c’est-à-dire que les informations de contact soient exactes, que les messages spécifiques au scénario soient préparés et que l’exécution des notifications d’urgence se déroule bien comme prévu. Des simulations d’ouragans, de tremblements de terre, d’inondations soudaines, de pannes de services publics, de tireurs actifs ou d’alertes à la bombe sont des exemples de scénarios à tester. Ces tests permettent de minimiser l‘erreur humaine. En effet, les crises sont des situations très stressantes. Il est donc essentiel de s’assurer que l’équipe de gestion des crises n’expérimente pas les actions du plan de gestion de crise pour la première fois lorsqu’un incident se produit réellement. Les essais permettent aussi de tester les dispositifs d’alerte et de communication. Dans de telles situations, chacune des minutes passées à regrouper, répéter, mettre à jour ou coordonner feront la différence. Il est donc essentiel de centraliser les informations et de les traiter de manière automatisée, rapide et précise. Ces flux de données sont selon leur nature destinés :

De toutes ces données, l’entreprise doit garder un historique de valeur judiciaire pour s’appuyer sur ces preuves en cas de conflit. La structure doit aussi être en mesure de fournir un rapport de sa gestion de crise. Enfin, ces informations lui seront utiles pour mettre à jour son plan de gestion de crise en l’enrichissant de cette expérience. L’entreprise doit donc se doter d’une plateforme qui couvre tous ces aspects : compréhension des risques/situations, notification d’urgence, rapports et analyses.

Une fois toute lacune comblée dans le déroulement des opérations ou du personnel affecté, le plan de gestion de crise est adopté. Les tests et exercices périodiques permettent également de s’assurer qu’aucun aspect du plan ne devienne obsolète.

3.4 La culture de la gestion de crise

Anticiper une crise pour les éviter ou limiter ses effets, c’est aussi adopter une culture de la crise. Il s’agit d’intégrer la gestion de crise comme une composante essentielle de la culture d’une entreprise. Tous les salariés de l’entreprise connaissent alors, quelle que soit leur fonction, des différents risques existants et des vulnérabilités de l’entreprise afin d’acquérir des règles de comportement et des réflexes appropriés en cas d’événements désastreux. Cela passe également par la formation des managers et des dirigeants de l’entreprise et la prise en compte des risques lors de chaque évolution ou projet.

Une entreprise ainsi sensibilisée à la crise est plus à même de gérer une crise de grande ampleur. La gestion de crise se déroule en plusieurs étapes

4. La gestion de crise

4.1 Détection du problème

La première étape consiste à détecter le problème, le signaler et en identifier les causes. Pour que le système d’alerte de l’entreprise soit efficace, il est nécessaire que l’ensemble de l’entreprise soit sensibilisé au management de crise. Ainsi les signaux sont remontés rapidement et de manière transparente aux décideurs. Ces signaux sont à compléter afin de comprendre les causes, en se renseignant auprès des personnes et services concernés, pour enfin mesurer les conséquences actuelles et futures sur l’entreprise.

4.2 Evaluation des risques et mise en place du plan de gestion de crise

Une fois la crise constatée, une phase d’évaluation des risques doit être réalisée. Il s’agit, au cours de cette étape, d’évaluer les répercussions actuelles et à venir de la crise sur l’entreprise. Cette phase permet de décider du plan de gestion de crise à activer. Les procédures doivent ensuite être suivies et contrôlées conformément à ce plan.

Face à une situation inédite, le cerveau traite les informations d’après les expériences vécues. Il peut donc avoir tendance à faire le rapprochement entre une situation connue et le cas présent. Bien que similaires, les 2 situations peuvent en réalité être radicalement différentes. Gérer le nouveau problème comme le précédent n’est pas la solution. En se référant à des plans établis ou à des crises passées, il faut prendre en compte leur contexte et le comparer au contexte actuel.

Si la crise ne répond à aucun plan de gestion de crise, il faut d’abord analyser précisément la rupture d’équilibre pour faire émerger les différentes solutions qui pourraient potentiellement permettre de répondre à la problématique. Loin d’être un simple listing, il s’agit surtout d’évaluer chaque solution au regard de ses avantages, de ses inconvénients, mais surtout de son adéquation avec l’objectif poursuivi. Cette analyse permet aussi à la personne chargée de gérer la crise de prendre conscience de toutes les répercussions que la solution implique, que cela soit sur le plan éthique, environnemental ou encore financier. Après avoir pris le temps de bien explorer les différentes options qui se présenteraient, la solution ayant à la fois le moins de contraintes et le potentiel le plus élevé sera adoptée.

4.3 Suivi du plan de gestion de crise

En fonction de la complexité et de la gravité de la crise, le scénario de sortie de crise peut ne pas se passer selon le plan prévu. Il faut donc, sans cesse, réévaluer et ajuster les moyens et les actions mis en œuvre jusqu’à la résolution complète de la crise. C’est le rôle de la cellule de crise de contrôler, coordonner et ajuster les mesures prises si nécessaire.

A cette étape, il s’agit aussi d’activer le plan de communication de crise. Ici encore, il convient de suivre le protocole qui a été fixé au préalable.

4.4 Démobilisation et bilan

Une fois la crise résolue, cette étape consiste à démobiliser les ressources dédiées à la résolution de la crise pour reprendre un fonctionnement normal. Chaque crise doit être l’occasion de tirer des leçons pour l’avenir. Pour cela l’entreprise garde une trace de l’enchaînement des événements ayant abouti à la situation de crise, l’ensemble des actions qui ont été réalisées pour la résoudre, les difficultés d’ordre technique ou humain qui ont été rencontrées ainsi que les solutions qui ont fonctionné. Il s’agit ici de comprendre ce qui aurait pu être fait pour éviter la crise mais aussi ce qui aurait pu être amélioré ou fait différemment une fois la crise survenue. C’est une étape essentielle de la gestion de crise qui permettra de renforcer la résilience de l’entreprise.

Conclusion

L'anticipation est donc le mettre mot de la gestion de crise. Au travers du plan de prévention des risques et du plan de gestion de crise, elle permet à une entreprise de se préparer à réagir dans une rupture d'équilibre soudaine. L'organisation n'est cependant pas suffisante pour gérer efficacement un crise. En effet, la gestion de crise repose aussi sur un management et une communication spécifiques. Ces éléments feront l'objet de mon MON 1.2.

Sources