L'IT au service du management

Tags :
  • POK
  • 2022-2023
  • temps 3
  • management
  • intelligence artificielle
Auteurs :
  • Eugénie Giraud-Telme

Sprint 1 :

Voici les différents objectifs que je souhaitais remplir lors du premier sprint. Ceux que j'ai remplis sont cochés :

Pour le prochain sprint :

Cadrage du sujet :

Pour ce POK, je suis partie d'un constat simple : à l’École, on nous a fait passer au moins deux types de tests de personnalité ou de communication (j’en ai même passé un autre dans le cadre d’une étude statistique dans une association). Je me suis interrogée sur l’utilité et la finalité de ces tests. Mes questionnements s’éloignant un peu trop du cadre de l’option Do-IT, j’ai été redirigée vers le Guide pour les recruteurs de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) qui traite de la place des données personnelles dans le recrutement, avec un chapitre sur les pratiques de recrutement comme les tests de personnalité. Ce document m’a permis de revenir vers un sujet plus adapté.

J’avais alors deux possibilités de sujet :

J’ai donc décidé de me concentrer sur le second sujet qui me paraissait plus prometteur et plus riche.

Problématiques du sujet :

Dans quelles mesures les technologies de l'information peuvent-elles être un outil dans le cadre des fonctions RH ? Quels problèmes miroitent-elles de régler ? Comment sont-elles utilisées en pratique ? Quels sont les bénéfices et les limites de leur utilisation ?

Recherches et réflexions :

Introduction :

L'EBM (Evidence-Based Management) est une méthode qui consiste à définir des plans d’action basés sur des données et des résultats scientifiques. Dans le domaine des Ressources Humaines, ces technologies et pratiques numériques ont donné naissance à de nouveaux outils visant à améliorer l'efficacité des processus RH et à faciliter la gestion du personnel. Les dispositifs d’analyse de données non structurées tels que les CV et les commentaires sur les réseaux sociaux internes, ainsi que les algorithmes de suggestion font partie des outils de la GRH utilisant le big data. La fonction RH est traversée par un grand nombre de technologies et de pratiques numériques telles que l'analytique RH, les API, la blockchain, les chatbots, l'e-learning, la gamification, l'intelligence artificielle, le prédictif, la réalité virtuelle, les réseaux sociaux, le RPA, le SIRH, le sourcing digital et le télétravail.

Point RGPD :

L'utilisation des données personnelles des employés dans les dispositifs algorithmiques de GRH doit être conforme aux principes du RGPD. Selon ces principes, les données personnelles doivent être collectées pour des finalités spécifiques et légitimes, traitées de manière transparente et proportionnée par rapport à ces finalités, et conservées pendant une durée limitée. Le RGPD prévoit également des droits pour les personnes concernées, notamment le droit d'accès, le droit de rectification, le droit à l'effacement, le droit à la portabilité des données et le droit d'opposition. Les employés ont donc le droit de savoir quelles données sont collectées à leur sujet, dans quel but et comment elles sont traitées. Ils peuvent également demander la suppression de leurs données ou s'opposer à leur traitement dans certaines circonstances. Or, garantir ces droits dans le cadre de l’IA et du big data est tout sauf simple. Il y a une tension entre la logique du RGPD, qui limite la collecte de données personnelles, et la logique des data-analystes, qui cherche à obtenir le maximum de données pour obtenir de bons résultats. L'enrôlement des salariés pour la production et la récupération des données personnelles est considéré comme une nécessité, mais cela peut également être perçu comme une menace pour l'existence des dispositifs algorithmiques si les échantillons de salariés acceptant de fournir leurs données personnelles sont insuffisants pour faire fonctionner les algorithmes. En ce qui concerne les algorithmes, il est nécessaire de trier les données tout en garantissant l'anonymat des employés. Il est donc important de trouver un équilibre entre les besoins des data-analystes et les règles du RGPD pour maximiser l'efficacité des dispositifs de GRH.

Régler le manque d'objectivité dans la prise de décisions :

Les outils IT en RH peuvent sembler offrir une solution objective aux décisions, mais il est important de noter que les données utilisées pour l'analyse peuvent être incomplètes ou décontextualisées. Par exemple, les outils d'analyse de données peuvent mettre en corrélation des courbes qui n'ont aucun rapport, ce qui peut conduire à une interprétation erronée des résultats. De plus, bien qu’on puisse imaginer que les outils informatiques peuvent aider à éviter les discriminations dans le recrutement, en réalité, ils les perpétuent puisqu’ils sont entraînés grâce à des données qui valident ces discriminations. Dans la même veine, lorsqu’un nouvel outil est créé, il est nécessaire de déterminer à l’avance ce qu’est une réussite. Cela permet de fabriquer l’outil dans une certaine logique pour que ses réponses soient acceptables. Par exemple, un outil de mobilité interne sera pensé autour de la trajectoire de carrière “idéale”. C’est un problème puisque les utilisateurs qui ont des objectifs opposés à cet idéal n’auront jamais de réponses adaptées de la part de l’outil. En outre, l'utilisation de grandes quantités de données non structurées peut compliquer l'analyse, car la corrélation entre les variables n'implique pas nécessairement une causalité. Bien que cette méthode puisse être utile pour prédire des événements, elle ne permet pas toujours de comprendre les raisons sous-jacentes de ces événements. La tendance actuelle est de collecter le plus grand nombre possible de variables, sans formuler d'hypothèses préalables sur leur pertinence, le tout pour obtenir de meilleures corrélations. Cette pratique soulève des préoccupations en matière de protection des données personnelles, notamment en ce qui concerne le respect du principe de minimisation des données. Par conséquent, la collecte excessive de données non nécessaires peut être considérée comme une violation du RGPD. Enfin, l'utilisation de l'IA pour la prise de décisions RH peut également être problématique car la "boîte noire" de l'IA signifie que les décisions prises ne sont pas toujours compréhensibles ou justifiables. On se retrouve dans le cas dont parle le RGPD : si ce n’est pas justifiable, pourquoi ces données sont-elles utilisées ? En somme, bien que les outils IT en RH puissent sembler offrir des solutions objectives, il est important de reconnaître les limites de leur utilisation. Les décisions basées sur l'analyse de données doivent être évaluées avec un regard critique et considérées comme une partie d'un processus plus large qui inclut l'expertise humaine et l'expérience pratique.

Personnaliser l'expérience des salariés :

Il y a une vision erronée selon laquelle les outils big data permettent de personnaliser l'expérience des salariés, alors que l'analytique en général est considérée comme une manière de classifier. Cependant, le big data a aussi besoin de classifier, parfois de manière plus précise. Cette différence de perception peut être due à l'attrait pour la nouvelle technologie ou à une certaine technophilie. Dans les faits, les outils big data peuvent permettre de proposer des contenus adaptés à chaque salarié, comme identifier les formations qui pourraient les intéresser le plus, ou repérer les candidats les plus pertinents pour un recrutement en fonction de leur profil individuel. Cette approche paraît paradoxale, car pour personnaliser l'expérience, il est nécessaire de caractériser les individus par des modalités communes. L'adhésion aux imaginaires valorisant les outils big data RH se manifeste dans deux registres : la personnalisation du système intelligent et la mise en avant de la puissance supposée des données (sujet abordé à la partie précédente). Cependant, le déploiement de ces outils révèle et accentue une tension entre la standardisation nécessaire pour le traitement automatique des parcours professionnels et la valorisation par l'entreprise de l'individualisation des parcours. Les difficultés rencontrées par les utilisateurs sont en grande partie liées à la recherche de standardisation nécessaire au traitement algorithmique : standardisation des solutions avec le recours aux prestataires externes, et standardisation des compétences qui doivent pouvoir être mesurées, comparées et classées les unes par rapport aux autres. Le classement automatisé des profils de salariés nécessite un traitement décontextualisé des compétences et des expériences, ce qui entre en contradiction avec les pratiques professionnelles des conseillers mobilité, qui valorisent l'accompagnement individualisé et le travail de contextualisation mené avec le salarié accompagné. Ces outils nécessitent donc une réflexion approfondie quant à leur utilisation, leur impact sur les pratiques professionnelles, et leur capacité à concilier l'efficacité opérationnelle et le respect des valeurs et des intérêts des parties prenantes.

Conclusion :

En conclusion, la presse managériale relaie régulièrement les promesses de l'utilisation des big data dans les RH, notamment en termes de performance et de positionnement stratégique des directions RH, grâce à une prise de décision fondée sur des faits observables et quantifiables, par opposition aux recrutements « à l’instinct ». Cependant, ces discours sont souvent biaisés et idéalisent la capacité des algorithmes à tout résoudre sans réellement comprendre comment ils fonctionnent. Il est donc important de garder un regard critique sur ces outils et de les utiliser de manière éthique et responsable, en prenant en compte leur potentiel mais aussi leurs limites. L'utilisation des outils big data dans les ressources humaines a suscité de nombreuses attentes quant à une amélioration significative de la performance des politiques RH et à une personnalisation accrue de l'expérience des salariés. Cependant, la pratique a montré que ces attentes peuvent être relativisées, comme en témoigne l'utilisation et la pratique de ces outils par les utilisateurs eux-mêmes. Ainsi,cela peut permettre aux utilisateurs de prendre conscience des limites et des biais de ces outils, contribuant ainsi à une désillusion et, éventuellement, à une utilisation plus réfléchie de ces technologies au service des politiques RH et de la gestion des compétences.

Bibliographie :

https://www.cnil.fr/recrutement-et-donnees-personnelles-dans-les-tpepme-cinq-questions-incontournables-se-poser

https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/guide_-_recrutement.pdf

https://theconversation-com.cdn.ampproject.org/c/s/theconversation.com/amp/les-tests-de-personnalite-sont-ils-vraiment-un-bon-outil-de-selection-en-entreprise-201432

L'intelligence arificielle au service de la lutte contre les discriminations dans le recrutement

CORON Clotilde, « Analytique et big data en ressources humaines. Une étude au prisme de la notion de justification », Revue française de gestion, 2019/3 (N° 280), p. 55-72. DOI : 10.3166/rfg.2019.00319. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2019-3-page-55.htm

CORON Clotilde, « L’utilisation des données personnelles dans les algorithmes en gestion des ressources humaines », RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 2020/2 (n° 39, vol. 9), p. 95-106. DOI : 10.3917/rimhe.039.0095. URL : https://www.cairn.info/revue-rimhe-2020-2-page-95.htm

CORON Clotilde, « Le « Big Data RH » : vers une nouvelle convention de quantification ? », Annales des Mines - Gérer et comprendre, 2019/3 (N° 137), p. 27-38. DOI : 10.3917/geco1.137.0027. URL : https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2019-3-page-27.htm

BAUDOIN Emmanuel, DIARD Caroline, BENABID Myriam et al., « Introduction », dans : , Transformation digitale de la fonction RH. sous la direction de BAUDOIN Emmanuel, DIARD Caroline, BENABID Myriam et al. Paris, Dunod, « Management Sup », 2019, p. 1-3. URL : https://www.cairn.info/transformation-digitale-de-la-fonction-rh--9782100767595-page-1.htm

LéVY Camille, « Les outils big data dans les RH. Du mythe à la pratique », Politiques de communication, 2019/1 (N° 12), p. 45-69. DOI : 10.3917/pdc.012.0045. URL : https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2019-1-page-45.htm