Catalogue et critique des modes actuelles en management

Tags :
  • MON
  • 2022-2023
  • management
  • innovation
  • temps 2
Auteurs :
  • Eugénie Giraud-Telme

Catalogue des modes actuelles en management

Après le catalogue des méthodes de gestion de projet, il est intéressant de regarder les méthodes de management dans les organisations. Au même titre que pour la gestion de projet, il est facile d’imaginer que ces méthodes suivent des tendances et sont beaucoup impactées par les modes. Ce que je souhaiterais trouver dans mes recherches : différentes méthodes de management qui sont utilisées aujourd’hui de manière répandue et d’autres méthodes qui sont en train de se démocratiser.

Définitions :

Management : ensemble des techniques de direction, d’organisation et de gestion des entreprises. définition du Larousse

“L’innovation managériale se définit par trois points : transformation majeure du management représentant ainsi une certaine innovation stratégique nouvelles pratiques managériales (outils de management collaboratif, dispositifs, processus…) et postures managériales (état d’esprit, leadership, communication…) nouvelle manière de collaborer entre managers et collaborateurs pour placer le l’épanouissement personnel, l’intelligence collective et la performance professionnelle au centre des préoccupations” https://www.coachhub.com/fr/blog/innovation-manageriale-top-5-des-pratiques-de-management-innovantes-en-2022/

L’innovation managériale vise 4 sujets :


Innovations managériales :

Management agile :

Le management agile va de pair avec les méthodes agiles de gestion de projet présentées par Louise Gacoin dans un MON du temps 1. C’est ce qui permet d’appliquer ces méthodes dans les meilleures conditions. Ce type de management remet l’humain au centre en se concentrant sur la motivation et le bien-être des employés, en favorisant la collaboration au sein de l’entreprise et en incluant le client dans les processus. L’anticipation, la collaboration et l’amélioration sont les principes directeurs de ce management pour rendre l’entreprise plus flexible et réactive.

Attention !

Méthodes agiles n’implique pas management agile.

Contrairement au management traditionnel, le management agile laisse les employés choisir la manière d’atteindre les objectifs fixés en leur faisant confiance : ils sont accompagnés plutôt que dirigés. L’état d’esprit face au changement est aussi très différent : avec l’agile, le changement est une force et permet d’atteindre un meilleur rendu. Une culture de la collaboration est mise en place : le manager n’est pas le seul interlocuteur des collaborateurs. Ce type de management est centré sur le produit et pas sur le projet : c’est un changement de point de vue conséquent.

Management frugal :

On parle de “Jugaad innovation”. Il s’agit de faire mieux et plus avec moins. L’idée vient des pays émergents et cherche à prouver qu’il est toujours possible de résoudre un problème avec ce qu’on a localement. Il s’agit donc de trouver dans les contraintes un nouvel état d’esprit :

Lean management :

Cela consiste à éliminer tous les obstacles et les étapes inutiles au processus de création de valeur. Il existe plusieurs étapes à la mise en place d’un environnement propice au lean management : elles sont détaillées ici, https://www.manutan.com/blog/fr/lexique/le-lean-management-definition-et-outils. Cette méthodologie se rapproche du management frugal mais se concentre plus sur les processus de travail.

Neuromanagement :

Cette méthode de management s’appuie sur le fait que nous ne prenons pas des décisions aussi rationnelles que ce que l’on pense. L’innovation managériale réside dans le fait de contourner les biais comportementaux des collaborateurs grâce à ses connaissances sur le fonctionnement du cerveau humain. Les managers (et les collaborateurs) sont invités à se former sur ces sujets pour mieux anticiper les réactions des employés et faciliter leurs prises de décisions. Cette méthode permet aux managers de mieux gérer les émotions qui peuvent être un frein au travail.

Manager facilitateur :

L’innovation managériale du manager-facilitateur s’est dessinée avec l'arrivée du télétravail en masse à cause du Covid. Le manager a 4 rôles : celui de cadrer, celui de rassembler, celui d’animer et celui de soutenir. CADRER : Le manager-facilitateur pose le cadre pour que les collaborateurs puissent faire pleinement usage de leur autonomie. Il clarifie la vision commune, les valeurs (liées à la culture d’entreprise) et les principes qui doivent être suivis (ce qui est négociable ou non) sous la forme d'un contrat collaboratif”. RASSEMBLER : Il doit faciliter la collaboration et la co-construction. Cela passe d’abord par l’engagement des collaborateurs : faire participer tout le monde dans le choix des conditions de collaboration est une première étape. Ensuite, l’inclusion est une valeur clé : tout le monde doit se sentir respecté et la confiance et la bienveillance doivent régner. Un dernier point est la valorisation maximale des potentiels des individus : le manager-facilitateur vient optimiser la mise en avant du potentiel de chacun. ANIMER : Le manager est là pour s’assurer que l’intelligence collective (voir le cours sur l'intelligence collective) est poussée au maximum. Cela passe par la libération des initiatives, la mutualisation des forces et la formulation régulière de feedbacks. SOUTENIR : Il est au service de l’équipe et s’assure de son amélioration constante. Les réussites et les échecs doivent être célébrés pour permettre à l’équipe de s’améliorer. L’engagement des individus doit être mis en avant au même titre que les réussites du groupe.

Management de la performance avec un manager-coach :

Cette fois-ci, le focus est sur la performance qui est intimement liée à la stratégie de l’entreprise. Ces objectifs peuvent se découper pour mieux définir les objectifs individuels des employés. Pour mesurer la performance, il est important de définir ou de créer des indicateurs fiables. Toutes ces questions de performances et d’indicateurs laissent deviner l’omniprésence de feedbacks réguliers pour que le management de la performance soit efficace. Lorsqu’on lie le principe de management de la performance à l’existence d’un manager-coach, on comprend que le manager est là pour faire en sorte que le potentiel de chacun soit utilisé et il s’appuie sur les indicateurs de performance pour cela. Il responsabilise les employés en leur garantissant un espace de climat de travail respectueux et motivant et permet à tous une montée en compétence.


Ressources pour aller plus loin :

Ressources :

Projets d’étudiants :

Odyssée managériale : la 3ème édition est en cours et le rapport de la 1ère édition est sorti. - https://odysseemanageriale.com/ TEDx Innovation managériale sur mesure - https://www.youtube.com/watch?v=ZKC_kUcBBZI - 13 min

Critique

Par manque de temps au premier MON du temps 2, le catalogue que j’ai effectué des innovations managériales n’était pas très critique. Pour remédier à cela, j’ai choisi de continuer sur le sujet en tant que second MON du temps 2. Voici une critique des discours autour des innovations managériales qui s’est développé à partir de la lecture du document suivant :

Ressources :

Le Roy, F., Robert, M. & Giuliani, P. (2013). L'innovation managériale: Généalogie, défis et perspectives. Revue française de gestion, 235, 77-90. https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue--2013-6-page-77.htm.

D’après Le Roy, Robert et Giuliani, pour pouvoir parler d’innovation managériale, il faut que l’idée ou le concept soit perçu comme nouveau par les individus concernés. Or on sait que c’est peu le cas grâce à l’étude 2017 de la Chaire des innovations managériales d’Audencia.

“ Un décalage de perception important entre les dirigeants et leurs salariés 63% des dirigeants estiment que le management de leur entreprise est innovant contre seulement 29% des salariés (étude 2017 de la Chaire auprès d’employés non cadres) Plusieurs explications peuvent être données pour expliquer pourquoi les salariés ne considèrent pas le management de leur entreprise comme innovant : Il existe trop souvent un décalage entre le discours et les pratiques réelles de certaines entreprises qui font de « l’innovation washing », en prônant l’innovation tout en mettant en œuvre des méthodes plus traditionnelles. Les innovations managériales mises en place dans les entreprises sont aussi trop souvent des pratiques de management très connues qui ont été « repackagées » sous des formes et des noms différents” https://newsroom.audencia.com/articles/actualite/enquete-audencia-les-dirigeants-boudent-les-innovations-manageriales-et-sont-en-decalage-avec-leurs-salaries/

Ainsi, on peut se demander l’intérêt réel de ces “innovations”, les guillemets sont utilisés pour mettre en avant le non-respect d’un des aspects les plus importants de la définition d’innovation managériale. De plus, l’idée portée par de nombreuses innovations managériales qui est de mieux prendre soin de ses employés n’est pas nouvelle du tout. Pourtant, lorsqu’on voit les boîtes de coaching pour les managers, on a l’impression que ce sont eux qui ont inventé le concept. Regardons le paternalisme par exemple :

Attitude du chef d'entreprise qui, de sa seule initiative, octroie à son personnel des avantages sociaux dans le but d'affermir son autorité; comportement bienveillant et autoritaire du patron envers ses salariés. https://www.cnrtl.fr/definition/paternalisme

Il s’agit d’une forme de management très critiquée aujourd’hui car trop transparente dans ses intentions. Cependant, aujourd’hui, les formes de management et les avantages donnés aux employés ne sont toujours pas désintéressés, pourtant ils donnent l’impression qu’une révolution a eu lieu. Ce reniement du passé, au lieu de traduire de réelles prises de conscience et de vrais changements d’idéologie, traduit seulement le peu de connaissances à ce sujet et le court historique des recherches en innovations managériales qui ne datent que de 50 ans (Le Roy, Robert et Giuliani). Il est important de noter que certaines notions, qui datent du début du XXème siècle avec le paternalisme dans les usines notamment (https://fr.wikipedia.org/wiki/Paternalisme#:~:text=Le patron assume l'autorité,lui doivent respect et obéissance. ), sont considérées comme acquises et nécessaires pour attirer les employés : on peut prendre l’exemple des CSE (Comité Social d’Entreprise) qui confèrent des avantages sous la forme de prix réduits pour les vacances entre autres. Une idée intéressante est présentée dans cette vidéo (L’innovation managériale : de la théorie à l’expérience - https://www.youtube.com/watch?v=n61yDppky9o - 8 min) : “Pour innover en management il faut revenir sur les fondamentaux.”. Ce qu’il faut comprendre, c’est que changer l’intégralité du management d’un coup ne garantit en aucun cas le statut d’innovation : les employés ne voient pas le changement comme quelque chose de nouveau lorsqu’il est vide de sens. L’idée à retenir est que se rappeler des bases du management est la clé de toute réelle innovation : il faut comprendre le management et changer des détails qui comptent.

Attention : certaines définitions de l’innovation managériale considèrent qu’il suffit que l’innovation change la manière de penser au sein de l’entreprise pour qu’elle soit vue comme telle : pas besoin de changer réellement les manières de faire donc.

L’innovation managériale perd ainsi de son intérêt puisqu’elle finit par tenir plus de la manipulation qu’autre chose : elle devient l’argument des dirigeants pour augmenter l’attractivité de leur entreprise et faire passer la pilule de la pression qui pèse sur les employés. Par exemple, avec l’apparition de séances de méditation pour conjurer le stress en entreprise, l’entreprise change-t-elle vraiment sa manière de manager ? Le stress est toujours là, on est dans le guérir plutôt que dans le prévenir, le problème a été localisé mais on ne fait que traiter ses symptômes.

On comprend que ce sont les entreprises pionnières d’une innovation qui obtiennent de réels avantages durables (Le Roy). Si ce ne sont que les premières entreprises à adopter une innovation managériale qui en tirent véritablement profit, à quoi sert-il de vendre telle ou telle méthode en masse à travers le coaching comme s’il s’agissait de solutions miracles ? La réponse qui vient naturellement est le fait que ce soit une industrie qui rapporte beaucoup. Les coachs de ces entreprises sont certainement convaincus par la méthode qu’ils portent, en témoignent les nombreux sites web de coaching aux entreprises qui sont bien faits et très convaincants. Sans toujours présenter les “innovations” comme sans failles, aucun article ne prend véritablement du recul sur la place du coaching en entreprise. En même temps, la place de ces méthodes nouvelles dans le monde du travail est indéniable, d’où les cours sur des méthodes précises en école d’ingénieur. Par exemple, nous avons eu un cours sur l’Agile avec Oresys. Ces derniers ne jurent pas que par cette innovation et pointent du doigt les entreprises qui font de l’“innovation washing”. Ils semblent avoir du recul mais ont fondé une grande part de leur travail sur le coaching agile. Un autre exemple est le cours sur le Lean Management. Ce qui transparaissait de l’intervenante est qu’elle ne jure que par le Lean et va même jusqu’à se moquer de l’agile. Malgré cela, elle donne l’impression qu’elle vend du bon sens et démontre par ses récits de missions à travers le monde que le coaching est vraiment devenu une industrie plus grosse qu’elle ne devrait l’être. On dirait un peu l’émergence d’un énième nouveau gourou de yoga qui attire toute une portion de la population en quête d’un spiritualisme éclairé, à la différence près que les centaines d’années de pratique du yoga ont, elles, permis aux scientifiques de prouver les bienfaits de la discipline sur le corps et le cerveau. Ses cours nous ont montré que les méthodes du Lean marchaient effectivement mais il est difficile d’imaginer qu’elles marchent toujours : nous étions un groupe de 13 futurs ingénieurs, difficile de généraliser à n’importe quelle entreprise. Le fait qu'on ait des cours sur certaines méthodes précises est un peu en désaccord avec la position critique qu'on nous demande d'adopter en tant qu’ingénieurs bientôt diplômés. On se retrouve face à des intervenants qui sont convaincus par leurs méthodes mais qui donnent tout de même peu d'exemples de transitions entre 2 modèles et peu d’observations à long terme sur cette évolution. En plus de ça, on nous assène de phrases du type "Si vous ne voyez pas tel procédé mis en place dans une entreprise qui se dit Lean, alors ce n'est pas du Lean." alors que le procédé en question n'est qu'une partie minuscule du tout. On nous explique donc que toute la méthode compte telle quelle et que l'absence du moindre élément fragilise terriblement le tout : une innovation managériale est donc une série d'instructions d'un coach à suivre à la lettre grâce à des séances de coaching qui coûtent cher. Il me semble qu'une innovation managériale est plus que cela, c'est censé être un changement d'état d'esprit accompagné de pistes pour le traduire en actions concrètes propres au contexte de l'entreprise qui veut adopter la philosophie en question et qui va apporter grandement aux employés et à l’entreprise.